Voici un article sur l’école écrit par Charles
Centofanti sur le site www.vousnousils.fr :
Dans le cadre de la campagne présidentielle,
VousNousIls.fr a sollicité les principaux candidats sur leur projet pour
l'éducation. Cette semaine, c'est au tour de François Hollande, candidat du
Parti Socialiste, de répondre à nos questions.
François
Hollande ©Parti Socialiste
Si vous accédez à l'Elysée le 6 mai 2012, quelles
mesures prendrez-vous en priorité pour l'école ?
La droite
laisse une dette éducative particulièrement lourde et plusieurs chantiers
devront être menés de front. Je ferai d'abord adopter un certain nombre de
mesures d'urgence, dès mon élection, pour limiter autant que possible les
fermetures de classe et d'écoles, et faire en sorte que la rentrée prochaine
se passe dans les meilleures conditions. J'engagerai ensuite, dès l'été, une
vaste concertation avec les enseignants, les parents, mais aussi le milieu
associatif et les collectivités locales pour refonder entièrement
notre école. L'heure n'est plus à une énième réforme sectorielle. Je veux proposer
un projet éducatif global et cohérent, avec un seul objectif : la réussite
à l'école pour tous et partout. La lutte contre l'échec scolaire sera donc ma
grande priorité. Il faut traiter les difficultés à la racine, dès qu'elles
apparaissent : les efforts seront concentrés sur l'école maternelle et primaire
et sur les zones en difficulté.
Vous avez dit récemment qu'il faudra « tout
reprendre » en matière de politique éducative. Reconnaissez-vous néanmoins
quelques réussites au gouvernement actuel ?
Le bilan du
gouvernement actuel en matière d'éducation est sans appel. Même la réforme
du lycée, qui dans sa conception n'était pas inintéressante, a vu ses
aspects positifs réduits à néant par la pénurie de moyens et les suppressions
de postes. Nicolas Sarkozy a affaibli l'école moralement, humainement et
matériellement car il a voulu y appliquer le modèle du marché. Les valeurs
de l'école républicaine ont été attaquées en leur cœur. La laïcité a été
mise à mal et le rôle des professeurs méprisé. Les différentes réformes —
non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, suppression de la formation
des enseignants, assouplissement de la carte scolaire, démantèlement des réseaux d'aide aux élèves en difficulté...
— se sont traduites par un effondrement des résultats des élèves français.
Nous le voyons dans toutes les études indépendantes. Et comme toujours, ce
sont les plus fragiles qui en ont été les premières victimes.
Votre proposition de recréer 60 000 postes en cinq
ans est très critiquée par vos adversaires. Est-il raisonnable, vu le
contexte actuel, d'avancer une telle proposition ? Ne peut-on pas faire
mieux avec les moyens existants ?
Contrairement
au gouvernement actuel, je ne considère pas l'école comme un coût, mais
comme un investissement ! L'école d'aujourd'hui, c'est l'emploi et la croissance
de demain, c'est aussi la condition de notre vivre ensemble. Cela mérite qu'on
y consacre les moyens nécessaires. Il est bien sûr possible de mieux utiliser
les moyens existants mais cela ne suffit pas. Pour améliorer les pédagogies,
pour revoir les rythmes scolaires, pour lutter contre l'échec scolaire et
permettre à chaque élève de réussir, des moyens supplémentaires sont nécessaires.
D'autant que nous partons de très bas : la France a le taux d'encadrement des élèves le plus faible
des 34 pays de l'OCDE.
Que préconisez-vous en termes de rythmes scolaires à
l'école ? Y a-t-il un problème ?
La réforme
des rythmes scolaires est essentielle. Les rythmes actuels ne respectent pas
les rythmes biologiques et psychologiques de l'enfant. Ils sont source de
fatigue, de stress, et donc d'échec. La généralisation de la semaine de
quatre jours a aggravé tout cela. En primaire, nos enfants ne vont plus à
l'école que 144 jours par an, contre environ 180 en Allemagne ou 190 au
Royaume-Uni. A l'inverse, les journées de classe sont beaucoup plus longues
et chargées que chez nos voisins. Je souhaite alléger ces journées et
mieux répartir le temps scolaire. Cela passera inévitablement par le
retour à la semaine de quatre jours et demi et par un allongement de l'année.
Nous en parlerons bien entendu avec l'ensemble de la communauté éducative.
La carte scolaire a été assouplie en 2007 à la
demande de Nicolas Sarkozy. Reviendrez-vous en arrière ?
Oui, car les conséquences de cet assouplissement ont été néfastes
pour notre système éducatif : mise en concurrence des établissements pour
attirer les meilleurs élèves, accroissement des inégalités et, en définitive,
recul de la mixité sociale et scolaire. Or celle-ci est autant la garantie de
la construction du vivre ensemble qu'un moyen d'augmenter le niveau général
de nos élèves. Je reconnais toutefois que la carte scolaire telle qu'elle
existait avant n'atteignait pas tous ses objectifs. Elle était même parfois
contre-productive. Je proposerai donc la mise en place d'une sectorisation
plus juste, fondée sur le critère de mixité scolaire, dans le cadre de secteurs
aux périmètres élargis et établis en concertation avec les collectivités,
en associant parents et établissements. Cette nouvelle sectorisation
sera accompagnée par une politique volontariste d'éducation prioritaire
car offrir une école de qualité à tous nos enfants, où qu'ils habitent, est la
meilleure et la plus juste des manières de lutter contre l'évitement.
Concrètement, comment comptez-vous lutter contre
l'échec scolaire ?
Nous nous
attaquerons aux difficultés et aux inégalités là où elles naissent : à
la maternelle et au début du primaire, et dans les quartiers populaires.
Beaucoup des mesures que j'ai annoncées s'inscrivent dans cette idée : développement
de la scolarisation des enfants de deux ans, mise en œuvre du principe «
plus de maîtres que de classes » en cycle 2 (Grande Section, CP, CE1), rétablissement
des RASED supprimés par le gouvernement, renforcement de l'éducation
prioritaire, mise en place de dispositifs favorisant la stabilité des
équipes pédagogiques dans les établissements sensibles, diversification
des méthodes et des outils pédagogiques. La reconstruction d'une formation
de qualité pour les enseignants et la révision des rythmes scolaires participeront
aussi de cet objectif.
A ces
mesures préventives viendront s'ajouter des mécanismes de « raccrochage »
permettant aux jeunes sortis précocement du système éducatif de réintégrer
un cursus structurant et formateur. Un service public de l'orientation
profondément rénové aura ainsi l'obligation de proposer à chacun de ces
jeunes une réponse adaptée à sa situation individuelle, qu'il s'agisse
d'une formation, d'un apprentissage ou d'un service civique. Aucun d'eux
ne devra être laissé sans solution.
Et que proposez-vous pour améliorer la formation
des enseignants ?
Aujourd'hui,
il ne s'agit plus de l'améliorer, mais de la reconstruire. Avec la réforme de la masterisation, 70% des nouveaux
enseignants se retrouvent devant une classe sans aucun bagage pédagogique et
sans jamais avoir rencontré un seul élève ! Or enseigner est l'un des
métiers les plus beaux mais aussi les plus durs qui soient. Il ne s'improvise
pas, il doit s'apprendre.
Je reconstruirai
donc une formation des enseignants digne de ce nom en rétablissant l'année
de stage et en créant, au sein des universités, des Ecoles supérieures du
professorat et de l'éducation. Ces Ecoles seront chargées de la formation
professionnelle des enseignants, ainsi que de la relance et de la diffusion
de la recherche pédagogique. Tous les professeurs, qu'ils se destinent à
enseigner en maternelle ou à l'université, y partageront un moment de formation
commun. Je souhaite également qu'il y ait un meilleur équilibre entre
connaissances disciplinaires, didactique et pratique professionnelle.
Les professeurs doivent être en mesure d'assurer l'ensemble des tâches qui
font partie du métier d'enseignant : transmettre le savoir, mais aussi gérer
une classe parfois difficile, accompagner individuellement les élèves,
accueillir les enfants en situation de handicap, parler aux familles, travailler
en équipe, utiliser le numérique. Je mettrai aussi l'accent sur la formation
continue que l'on oublie trop souvent.
Nous ferons
enfin en sorte de financer des études longues, avec une filière de pré-recrutements de façon à orienter
les vocations et à aider les jeunes à financer leurs études.
Charles
Centofanti